2.
Logements abordables, préserver l’accessibilité financière
Avec une hausse de 33% des prix des logements neufs et de 28% des prix des logements existants de 2014 à 2021 (source Statbel) -soit bien plus que l’indice des prix à la consommation (+11,8%) sur les mêmes sept années-, la «flambée des prix» du marché immobilier (terrains compris) est unanimement reconnue comme inquiétante, dans un contexte déjà problématique lié à la disponibilité et aux prix des matériaux de construction. Entre fin 2021 et début 2023, nous constatons une accélération de la tendance avec une nouvelle hausse des prix de la construction de 20 % intégrant notamment l’inflation et l’indexation des salaires (dernières estimations de nos développeurs- constructeurs de logements).
Les charges d’urbanisme constituent un coût supplémentaire et peuvent menacer l’équilibre financier d’un projet. Il s’agit non seulement d’un frein à la réalisation de logements (essentiellement dans les centralités) mais également à leur accessibilité d’un point de vue financier. Il s’agira de repenser en profondeur les charges d’urbanisme pour réduire le coût des constructions.
Le logement reste le premier poste de dépenses des ménages, et surtout celui qui croît le plus rapidement. Conséquence : les ménages ont réduit la taille de leur projet de construction (terrain et maison), ou opté pour la formule appartement (dont la part a fort augmenté en vingt ans), ou -plus préoccupant-se rabattent vers le marché secondaire (acquisitif ou locatif), accroissant la demande et donc -hélas-les prix des biens existants modestes et souvent vétustes, ce qui est socialement inefficace.
De plus, la hausse des taux des crédits hypothécaires de ces derniers mois (4 % fin 2023 contre 1,2 % en février 2021) va aussi directement impacter l’accessibilité financière aux projets de logement des ménages (qu’ils soient acquisitifs ou locatifs par l’impact que subiront les investisseurs) et/ou leurs besoins en fonds propres. Les ménages wallons sont donc piégés par l’effet « ciseaux » entre le revenu moyen et les prix de l’immobilier comme ceux de la construction.
Une augmentation des taux d’intérêt de seulement 1 % sur les crédits hypothécaires peut avoir un impact significatif sur le pouvoir d’achat des ménages. En effet, une hausse aussi modeste peut entraîner une diminution d’environ 10 % du pouvoir d’achat des ménages. Cela s’explique par le fait que les taux d’intérêt plus élevés augmentent le coût global des emprunts immobiliers, ce qui se traduit par des mensualités hypothécaires plus importantes pour les propriétaires. En conséquence, une part plus importante du revenu des ménages est consacrée au remboursement de leur prêt, laissant moins de marge pour d’autres dépenses ou investissements.
Malgré un rythme ralenti, la croissance du nombre de ménages se poursuit (+/- 65.000 ménages supplémentaires d’ici 2030). Les besoins en logements continuent donc d’augmenter, surtout en raison de l’augmentation du nombre de ménages d’une seule personne, pour lesquels le parc immobilier actuel n’est pas adapté et devra fortement évoluer (rénovations, démolitions-reconstructions et constructions neuves).
Afin de maintenir un logement abordable en Région wallonne nous proposons :
MESURE 1
Nécessairement planifier en concertation toutes les mesures régionales qui impactent les prix des projets de construction
Il sera indispensable de prendre les mesures nécessaires pour soutenir l’offre globale de logements de qualité, et contribuer à contenir la hausse des prix.
Vu la dépendance du secteur au contexte international, les leviers d’action régionaux sur l’impact croisé de la hausse de prix des matériaux et des taux des prêts hypothécaires restent limités. Dans une approche de court terme, le secteur demande de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour limiter toutes les contraintes qui impactent de façon trop sévères le coût du logement ou de réfléchir avec le secteur au moyen de les financer.
Cela nécessite une vision transversale des différentes politiques et une progressivité réaliste dans la mise en œuvre de toutes les décisions politiques qui seront prises, citons parmi les points d’attention :
- Performance Énergétique des Bâtiments
- Gestion / valorisation des déchets de construction
- Normes logement adaptables
- Charges d’urbanisme
A moyen-long terme, et vu le positionnement central des projets de construction dans les différentes politiques (plan de relance européen, plan de relance de la Wallonie, stratégie wallonne de rénovation énergétique à long terme du bâtiment, RENO+…), il s’agira de repenser les chaînes de valeur en relocalisant -de façon compétitive donc sans hausse de coût- les industries en amont du secteur de la construction dans une optique de circuits-courts (européen, et/ou belge, et/ou wallon), afin de diminuer notre dépendance aux marchés internationaux des matériaux de construction. La réindustrialisation de la Wallonie, dont il est question dans le plan de relance de la Wallonie, doit être identifiée -de façon combinée et complémentaire avec le déploiement de l’économie circulaire- comme une mesure indispensable pour le redéploiement économique de notre région. Il convient de travailler à sa mise en œuvre de manière prioritaire, plus encore dans un contexte international de pénurie et de hausse des prix des matières premières (impactant les matériaux de construction). Il s’agira également d’encourager l’innovation et la transition technologique du secteur de la construction pour en accroître la productivité (automatisation, numérisation, modularité, préfabrication, R&D, etc.).
MESURE 2
Développer des PPP attractifs pour la construction de logements abordables :
Le développement de PPP attractifs devra être étudié. Différentes variantes sont possibles afin de diminuer le coût des projets, citons notamment les possibilités de démembrement de propriété avec la mise à disposition de terrains publics dans le but de développer des logements privés abordables. D’autres formules de PPP sont à développer et devront être efficaces et efficientes en travaillant notamment sur des formules standardisées.
MESURE 3
Il s’agira de s’appuyer sur le secteur privé et de ne pas décourager l’investissement privé par des mesures fiscales contre-productives : Les pouvoirs publics doivent donc adopter une attitude prudente et ne pas décourager les initiatives privées (investisseurs), qui portent le marché locatif et subissent déjà les augmentations des coûts de construction/rénovation (matières premières, énergie, salaires…).
MESURE 4
Renforcer l’offre de logements publics de qualité et adapter les budgets de construction des SLSP :
Les investissements visant à augmenter l’offre de logement devront se poursuivre, tout en prenant en considération
les augmentations de prix dans la construction. Pour se rapprocher des augmentations de prix, le Gouvernement wallon a revu en décembre 2021 les montants de subventions aux sociétés de logement de service public (SLSP), non revus depuis 2012. Il sera indispensable que les subventions soient régulièrement adaptées en fonction de la réalité économique et des augmentations de coûts.